500
signatures : l'adieu des recalés
par Xavier
Molenat - le 03/04/02 - réagir
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Les
deux tiers des candidats à la candidature ne seront pas au premier tour.
Parmi ces "petits", les trois plus gros tirent les leçons de leur campagne.
Interviews croisées.
Alea jacta est. Depuis hier soir minuit, le sort des candidats est jeté. Environ
un tiers d'entre eux a obtenu (sous réserve d'approbation par le Conseil
Consitutionnel) les indispensables 500 signatures qui autorisent à se
présenter au premier tour de l'élection présidentielle. On l'oublie souvent,
la validation des 500 sésames permettra aussi aux 17 heureux aspirants
élus d'obtenir une premier remboursement par l'Etat des frais de campagne...
Pour
les autres, les plus nombreux et les moins connus, l'aventure s'arrête
ici. Adieu Daniel Lacroze-Marty, Bahia Idjouadiène et autres Cindy Lee,
qui savaient depuis longtemps que leurs chances de parvenir au premier
tour étaient plus que limitées. Seule surprise : les 508 signatures recueillies
par Nicolas Miguet, à la tête du Rassemblement des Contribuables Français.
Charles Pasqua maintient encore un peu le suspense en affirmant qu'il
ne peut pas dire "avec certitude" qu'il a les 500 signatures. De son propre
aveu, l'inverse est plus probable.
Parmi
les candidats éjectés, il y avait des candidatures "fantaisistes" (la
fausse princesse Edwige de Bourbon Caudie, le safariste zen cosmopolite
Jacques Suchet, l'optimiste qui veut redresser l'esturaire de la Gironde
pour redonner le sourire à l'Hexagone Raoul Wanpas, etc.). Certains autres
petits portaient aussi des candidatures "sectorielles", et n'aspiraient
qu'à faire passer le message d'une cause spécifique dans l'arène de la
campagne (Jean Marie Matagne qui lutte contre le nucléaire, Jean-Christophe
Parisot qui défend les handicapés, etc.). Enfin, il y avait des petites
candidatures "sérieuses", qui auraient légitimement pu espérer obtenir
les 500 signatures. Parmi elles, celle de Blaise Hersent-Lechatreux, qui
se présentait pour la prise en compte du vote blanc, ou encore celle de
Pierre Larrouturou, qui a été l'un des rares candidats à proposer un programme
original et argumenté sur les grands problèmes français. Jacques Cheminade,
lui, avait obtenu les 500 signatures en 1995. A ces trois derniers, nous
avons posé quelques questions pour faire le point sur leur parcours politique,
dans et au-delà de l'élection présidentielle. Pour eux, la campagne n'était
visiblement qu'une étape, qui sera le plus souvent suivie d'une présence
aux législatives en juin prochain. Ils avouent aussi que leur enthousiasme
pour la suite des débats présidentiels sera limité. Dernier point commun
: les trois candidats s'accordent sur le fait que les élus ont subi des
pressions pour ne pas accorder leur soutien à certains candidats. Et avancent
des propositions pour remédier à ce problème. Pour la prochaine fois...
INTERVIEWS
CROISEES
Blaise Hersent-Lechatreux, candidat du "Parti
Blanc
Pierre Larrouturou, candidat du mouvement "Nouvelle Donne"
Jacques Cheminade, candidat du parti "Solidarité et Progrès"
Combien
de signatures avez-vous obtenu ? Pensez-vous que le système soit efficace
?
Blaise
Hersent-Lechatreux : Nous totalisisons 280 signatures. Peut-être
qu'un certain nombre ont été envoyées directement au Conseil Constitutionnel
mais nous n'avons aucun chiffre là-dessus. On voit que le nombre de candidats
(17) est important et que, donc, il n'y a pas à remettre en cause le système
des 500 signatures. En revanche, je crois qu'il faut réfléchir à l'information
des élus locaux, qui n'ont pas entendu parler de certaines candidatures,
alors que certaines familles politiques sont sur-représentées : trois
candidats d'extrême-gauche, deux d'extrême-droite, ça fait beaucoup. A
ce sujet, le Collectif va envoyer au Conseil Constitutionnel, à Jacques
Chirac et à Lionel Jospin sa proposition pour améliorer le système. Nous
préconisons trois choses : premièrement, que les candidats soient officiellement
déclarés au Conseil constitutionnel, avec dépôt d'un texte de 40 à 50
lignes pour chacun, qui explique leur candidature. Ces textes sont publiés
au Journal Officiel et ce sont les élus qui font la démarche de choisir
la candidature qui leur correspond le plus. Deuxièmement, chaque semaine
serait publié l'état des soutiens, afin que les élus puissent se reporter
sur les candidats les plus loins du compte. Enfin, nous pensons qu'il
serait préférable de publier la liste des soutiens sans le nom du candidat
qu'ils soutiennent, ce qui éviterait les pressions sur les élus.
Pierre
Larrouturou : Nous avons centralisé 264 soutiens au QG de campagne
et une trentaine ont été adressés directement au Conseil constitutionnel,
soit un total d'environ 300 soutiens, avec pas mal de chutes. Il y a eu
des pressions, et nous allons au Conseil constitutionnel demain pour contester
la liste des soutiens. Je plaide pour que l'on instaure le secret concernant
le soutien des élus aux candidats. Pour les sénatoriales, les maires passent
dans l'isoloir ! De même pour chaque citoyen à chaque scrutin. Dès lors,
cette règle devrait s'appliquer aux soutiens d'élus. En ce qui concerne
la publication des sondages, la Cour de Cassation s'était appuyée sur
les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme pour mettre
en avant la liberté d'information des citoyens, et donc autoriser leur
publication jusqu'à la veille de l'élection. Dans le cadre des parrainages,
on peut se demander si la liberté d'expression des maires est respectée,
puisque la publicité de leur soutien est source de pressions. Donc si
le Conseil constitutionnel nous déboute de notre plainte, nous irons devant
la Cour européenne des droits de l'Homme. D'autre part, nous proposons
que la validation des candidatures se fasse deux mois avant le premier
tour. Car actuellement, la validation à deux semaines du scrutin ne laisse
qu'un temps extrêmement court pour un vrai débat.
Jacques
Cheminade : J'ai obtenu 401 signatures, je suis donc en deuxième
position des candidats recalés pour le nombre de soutien, derrière Charles
Pasqua. Je pense qu'on n'a pas voulu que je dise un certain nombre de
choses, sur le cancer du système monétaire international, sur la logique
de guerre au Proche-Orient, sur l'exclusion et la violence sociale. D'autre
part, Nicolas Miguet a mené contre moi une véritable campagne de diffamation,
de chantage, il a usé de menaces et d'intimidations, en laissant entendre
que j'avais un casier judiciaire chargé, etc. Je l'ai cité en comparution
directe, nous nous retrouvons au tribunal demain.
Que
retirez vous de votre expérience de campagne ? Continuerez-vous à vous
intéresser au débat ?
Blaise
Hersent-Lechatreux : J'ai trouvé très intéressant de me présenter
et de voir ça de l'intérieur. Quand au débat, je ne l'ai toujours pas
vu. Les uns et les autres parlent de "plaisir" mais les idées en présence
ne séduisent personne. Avec le Collectif, on a essayé de remettre ça en
cause. On a posé de petites pierres, pour essayer de montrer que le système
est bloqué.
Pierre
Larrouturou : Cela a été l'occasion de réaliser qu'au niveau
local, il y a une attente de débat considérable. Les salles où je faisais
des débats étaient pleines, on a dû rajouter des chaises. Et il y a une
grande amertume vis-à-vis de la classe politique nationale. Forcément,
on est déçus. Nous sommes un jeune mouvement, nous pensions que l'accès
aux médias serait plus égalitaire. J'ai eu 30 secondes sur TF1, à 6 heures
un samedi matin ! D'autre part, nous ne pensions pas que la chasse aux
soutiens serait aussi difficile. Nous avons été relayés dans notre recherche
par des maires, qui ont été frappés par la difficulté d'obtenir des soutiens.
En même temps, le nombre de candidats est assez important. Je me pose
des questions sur certains d'entre eux, à qui il manquait une centaine
de soutiens il y a une semaine et qui sont au complet maintenant. Je m'interroge
sur leur indépendance.
Jacques
Cheminade : Tout d'abord, la rencontre de nouveaux maires et
de nouveaux élus, interessés par mes idées sans préjugés, même si souvent
ils ne connaissait pas bien ma candidature. Certains ne m'ont pas soutenu
parce qu'ils ont été intimidés mais je ne les blâme pas pour ça. D'autre
part, l'Internet a été un moyen très efficace pour rencontrer des gens
très intéressants, avec qui nous avons pu discuter. De ces rencontres,
il ressort très clairement que la plupart des gens ont bien conscience
que Jospin n'est pas socialiste, et que Chirac n'est pas gaulliste. Ils
sont incapables de tenir des engagements et vivent dans un monde clos.
Pour
vous, quelle sera la suite de l'élection ?
Blaise
Hersent-Lechatreux : Je ne me fais pas d'illusion, on sait
que c'est joué d'avance. Je vois assez bien une cohabitation, le seul
moyen d'embêter ces hommes-là, c'est bien dans l'esprit des Français.
Et ça montre que le système est en péril. On voit que l'élection va se
jouer à quelques milliers de voix, que ça peut dépendre de facteurs infimes
: des conditions météos favorables pour l'un, ou je ne sais quoi. Il y
a un véritable "effet papillon", qui fait que le moindre événement peut
faire basculer l'élection dans un sens ou dans un autre.
Pierre
Larrouturou : Je pense avoir pu contribuer au débat public
et on va continuer, puisque je reprends les réunions publiques dès demain
soir. Mes idées ont eu un certain écho notamment sur l'Europe, les relations
nord / sud, les retraites. Je sors d'un repas avec un proche d'un grand
candidat. Il me disait que mes propositions sur la démocratie pourraient
être reprises. Les propositions des candidats sur ces thèmes sont extrêmement
floues et ambigües. Sur les relations nord / sud, il y a eu aussi des
échos. Et peut-être aurons-nous des surprises avec notre projet de Loi
d'Initiative Citoyenne ?
Jacques
Cheminade : Ecoutez, j'y participerai si l'on veut bien m'inviter
! On ne me sollicite pas, en dehors de quelques interviews, de grande
qualité par ailleurs. Libération sollicite les avis de Brice Lalonde et
Antoine Waechter, mais pas le mien. On a pris la décision de ne pas me
laisser parler.
Est-ce
que le fait de ne pas accéder au remboursement des frais de campagne vous
met financièrement en danger ?
Blaise
Hersent-Lechatreux : Non, parce que nous n'avons pas fait de
campagne ! Pas d'affiches, et le site Internet a été fait en interne :
les frais engagés sont minimes.
Pierre
Larrouturou : Non, parce que nous n'avions pas tiré de plans
sur la comète. Nous nous étions dit au début que nous avions 80 % de chances
de ne pas y arriver, dès lors les dépenses ont été limitées. Nous nous
étions contentés d'embaucher deux personnes et d'agrandir les locaux.
Sinon, la campagne a été financée grâce aux dons et prêts des militants.
Jacques
Cheminade : On tire un peu la langue...
Vos
prochaines échéances politiques ?
Blaise
Hersent-Lechatreux : Les législatives. Nous avons déjà une
trentaine de candidats, nous espérons pouvoir monter jusqu'à cinquante.
Je serais moi-même candidat à Caen, dans le Calvados.
Pierre
Larrouturou : Nous nous préparons pour les législatives, où
nous espérons présenter un candidat dans chaque circonscription. La campagne
a permis de constituer des réseaux et des groupes de soutien au niveau
local. Je prends deux jours de repos et on repart !
Jacques
Cheminade : Nous présenterons quelques candidats aux législatives,
mais nous n'avons pas les moyens de nous investir véritablement dans une
élection aussi coûteuse. Sinon, le site Internet "Cheminade2007" devrait
être très vite disponible.
Pour
qui allez-vous voter ?
Blaise
Hersent-Lechatreux : Je ne sais pas encore, je vais attendre
la liste définitive des candidats. Je regarderai leurs propositions et
je ferai un choix en pleine conscience. Si aucun ne me convainc, je voterai
blanc, vote qui ne sera pas reconnu !
Jacques
Cheminade : Au premier tour, je ne sais pas encore, ça fait
un peu "bal des revenants" quand même... De toute façon je voterai pour
un contestataire. Il y a des candidats intéressants, mais ils se contentent
souvent d'un montage idéologique et ne partent pas assez de la réalité.
Je partage la vision de la ville d'Antoine WAechter, Noël Mamère est intéressant
quand il parle d'augmenter le nombre d'éducateurs, Olivier Besancenot
a également des propositions originales. Mais je me demande comment ils
vont les réaliser : Quelle est leur stratégie politique ? Quels financements
proposent-t-il ? Au second tour, si l'hypothèse du duel Chirac / Jospin
est confirmée, je voterai blanc.
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