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mercredi 25 avril 2007
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LE SYNDROME TSS

S'ils s'en défendent officiellement, les deux qualifiés devront transiger avec l'attitude de leur camp : Tout sauf...l'autre. Un phénomène de négativisation du vote peu réjouissant pour la démocratie, qui explique en partie le succès du leader centriste.

Il faut croire que la tradition est poitevine. "La positive attitude". Après le slogan raffarinien, c'est aujourd'hui le mot d'ordre socialiste. Ne pas donner l'impression qu'un référendum TSS ("tout sauf sarkozy") est de mise, et que l'on peut voter positivement pour Ségolène Royal et son pacte présidentiel. C'était pourtant, jusqu'alors, l'unique stratégie du parti, qui misait sur un rejet du candidat UMP dans l'opinion pour se qualifier au second tour et l'emporter le 6 mai. Mais visiblement, la consigne a été donnée, en haut lieu, aux troupes de mettre cet argument en veilleuse, publiquement en tous cas. "Il ne faut pas être seulement un barrage, mais être le fleuve lui-même", a donc lyriquement déclaré François Hollande, façon de montrer qu'il voulait mener une campagne de second tour positive, autour de plusieurs thèmes, au premier rang desquels "l'emploi, l'éducation, et l'écologie".

"Le Parti socialiste rêve d'un front qui serait constitué non contre mes idées, non contre notre projet, mais uniquement contre ma personne", dénonce donc de son côté Nicolas Sarkozy, soulignant que "le seul projet de la gauche" et de sa candidate, "c'est la diabolisation". "On constitue ainsi le front commun des haines, des intolérances et du sectarisme. Ce front commun-là, la France n'en a pas besoin", s'est ainsi ému en meeting le candidat UMP, dont les troupes, c'est bien connu et évident, n'ont absolument pas joué la carte du "Tout sauf Ségo" et sur le vote utile pour se rallier dès le premier tour des voix frontistes. Et l'ex-premier flic de France d'en rajouter, en faisant monter sur scène l'ancien conseiller économique de Ségolène Royal, Eric Besson, pour lui permettre de jouer un hallucinant numéro autocritique devant un parterre de militants de droite médusés.

Forza Nicolas

"Dès l'automne 2006, il était déjà limpide pour beaucoup d'entre nous que si la confrontation portait sur les idées et sur la capacité à gouverner, alors Ségolène Royal n'avait guère de chance de l'emporter face à Nicolas Sarkozy. Il fallait donc, pour espérer le battre, le diaboliser, le caricaturer en espérant parvenir à ce qu'il fasse peur. Dans cette entreprise, j'ai pris ma part, trop largement ma part", s'est ainsi autoflagellé l'ancien secrétaire national socialiste. (Rappelons pour mémoire, s'il en était besoin qu'Eric Besson était l'auteur du rapport anti-Sarkozy publié par le PS en début de campagne, intitulé "l'inquiétante rupture tranquille" et qu'il avait décrit dès 2005 Sarkozy comme "dangereux", réussissant "le tour de force d’emprunter à Bush son néo-conservatisme, à Berlusconi ses méthodes, à Le Pen son fonds de commerce, à Aznar son atlantisme, et à Chirac son culot".) Et l'ex lieutenant rose de prouver que Chirac n'a pas le monopole du culot en clôturant sa fêlone intervention d'un vibrant "Forza Nicolas et allez la France !". (Rappelons aussi que "Forza Italia" est le parti de Silvio Berlusconi...). Mais quel que soit le candidat, la stratégie du TSS, certes mobilisatrice pour les militants, est une tactique à double tranchant, voire une faute politique. Premièrement, elle est négative en terme d'image dans l'opinion, ensuite, elle a d'ores et déjà montré ses limites au premier tour, puisque Nicolas Sarkozy devance de près de six points Ségolène Royal, et que François Bayrou (le candidat du double TSS et leader du tout nouveau PD) échoue au pied du podium.

Défilé de chars soviétiques

S'il est réjouissant de constater la participation massive des Français à ce scrutin présidentiel, ce phénomène croissant de "négativisation du vote" (notamment théorisé par un politologue du CEVIPOF) est néamoins à déplorer pour la santé de la démocratie. Paradoxal peuple, tout de même, (qu'étonnait déjà Tocqueville qui décrivait les Français comme "serviles et révolutionnaires") qui déclare à 60% n'avoir confiance ni dans la gauche ni dans la droite pour gouverner et qualifie au second tour, avec une large majorité, les représentants des deux principaux partis...

Mais si l'on jette un coup d'oeil dans le rétroviseur et que l'on se remémore les précédentes campagnes, le phénomène de diabolisation de "l'autre" n'est finalement qu'une vieille recette récurrente dans la vie politique française. Dès 1965, François Mitterrand ne faisait-il pas autre chose à travers son brillant pamphlet anti-gaulliste "Le Coup d'Etat permanent", obligeant le Général à déclarer en conférence de presse "croyez-vous que c'est à 67 ans que je vais commencer une carrière de dictateur" ? Et les partisans de Valéry Giscard d'Estaing en 1981 qui brandissaient le spectre "soviétique" en cas d'élection de Mitterrand, en prédisant un défilé de chars russes sur les Champs-élysées ? Et les adversaires de notre actuel président lorsqu'ils le qualifiaient en 1988 de "Facho-Chirac" ? Et ce dernier en 2002 s'émouvant à la télévision "d'un délit de sale gueule" après le déraillement en avion de Jospin le décrivant en off comme "vieilli, usé, fatigué" ? Vieille antienne, mais ficelle stratégique solide visiblement...

Leçon de séduction

Certes, par essence l'élection présidentielle, telle que souhaitée par le Général de Gaulle en 1958, flatte naturellement les penchants mégalomaniaques des aspirants à la magistrature suprême. Qu'en en juge de tous bords, avec un Nicolas Sarkozy qui s'auto-congratule dans les îles en avouant "commencer à ne pas trop mal sentir" cette élection, une Ségolène Royal qui n'arrive toujours pas aujourd'hui à digérer les attaques personnelles de ses "éléphants" en début de campagne, un François Bayrou enivré par ses 18,5% de voix et qui doit écouter en boucle les messages de félicitations de ses adversaires sur son répondeur de portable, tout en s'offrant le luxe de ne pas décrocher...Mais les leaders politiques actuels seraient pourtant bien inspirés de relire ces lignes dans "L'espoir" de l'ancien ministre de la culture, André Malraux : "Le premier devoir du chef est d'être aimé sans séduire. Etre aimé sans séduire,...même soi". Pas gagné.